01 - Des débuts
prometteurs
C’est à la clinique de Miramas (Bouches-du-Rhône – France) que
des babils et une série de catastrophes annoncèrent un certain 4 mai, l’arrivée
de la deuxième (et heureusement dernière) née des Meuneu : Meuch.
Secret médical oblige, nul ne saura jamais ce qui s’y passa ce
jour-là.
Pourquoi deux médecins demandèrent leur retraite anticipée
alors qu’à trente-deux et trente-cinq ans, respectivement, une brillante
carrière s’ouvrait à eux.
Ni pourquoi la sage-femme, plus de vingt années plus tard,
pique encore une crise de nerfs rien qu’en y songeant.
Allez donc savoir ce que fit le poupon, qui ne mesurait qu’une
cinquantaine de centimètres et qui pesait à peine trois kilos, durant les trente
secondes où on le laissa seul dans son berceau.
Toujours est-il que dix minutes plus tard, la clinique se
retrouva sous les tirs croisés de huit autopompes et de trois Canadairs, tandis
que trois mille deux cent trente-cinq petites douches de sécurité libéraient
simultanément leur réserve d’eau, aspergeant personnel, patients et salles
d’opérations.
Et les autres bébés qui naquirent après elle, durent le faire
ailleurs.
02 – L’école
Elle fut un élève très sage. Si calme sur son banc, au fond de
la classe, prés du radiateur, qu’il fallut huit années aux enseignants qui se
succédèrent à la tâche ingrate de l ‘éduquer, pour remarquer que le bruit
étrange qui les gênait depuis tout ce temps n’était pas dû à la nouvelle
chaudière. C’était les ronflements de Meuch.
La même année, à la grande stupéfaction de son professeur, elle
s’éveilla et se passionna pour les canettes en aluminium qu’elle se mit dès lors
à entasser méticuleusement dans le fond de la classe, après les avoir
consciencieusement vidées de leur contenu.
03 – La chorale
(Par
G. D. GENTEAY)
Les méthodes violentes d’éducation n’ayant plus cours, on dut
empêcher son professeur d’utiliser les baguettes et martinets qu’il avait amené
pour convaincre Meuch de se trouver une autre passion. C’est dans ce but qu’on
inscrivit de force, cette dernière à la chorale de l’école.
Le vieux professeur de musique avait déjà tout connu dans sa
carrière. Quand Meuch poussa ses premières gammes, il crut d’abord à une
mauvaise plaisanterie de ses jeunes collègues.
Mais non, on ne torturait pas de baleine ou de troupeau de
vache dans le couloir. Ces sons provenaient bien du larynx de son élève. Il
sentit qu’il faudrait faire preuve de diplomatie.
Une heure plus tard, toute trace de patiente avait disparu. Le
digne professeur, le col de la chemise ouverte, le nœud papillon arraché pour ne
plus étouffer, avait déchiré la partition, en roulait les morceaux en boules,
qu’il s’enfonçait dans les oreilles pour ne plus entendre ces sons qui
insultaient ses tympans de mélomane.
Se rappelant ses promesses de diplomatie, il retrouva son calme
arrêta la leçon en conseillant à Meuch d’apprendre plutôt à jouer d’un
instrument de musique.
Au cours suivant celle-ci apporta un bombardon à coulisses alto
que son père avait construit de ses propres mains. Le vieux professeur soupira
en songeant aux bonnes vieilles flûtes traversières d’antan. Mais tout ce qui
pouvait empêcher Meuch de chanter était bon. Là, au moins, ses tympans ne
risquaient rien. Ses tympans, non.
Aux premières notes, les deux verres de son lorgnon se
craquelèrent, tandis que le stylo qu’il avait dans la poche intérieure de sa
veste libérait en une grosse tâche, l’intégralité de son encre indélébile. Si
les carreaux de la classe résistèrent, curieusement, le poste de télévision de
la salle de géographie, deux étages plus bas, implosa littéralement.
Le vieux professeur de musique, lorsqu’il eut fini de pleurer,
décida d’avancer la date de sa pension.
04 – La petite chimiste
(Par Mi TANDAUTRE)
Contraint, on ne sait pourquoi, de changer d'établissement,
Meuch se mit à fréquenter assidûment le cours de chimie. Dès ce jour, le monde
ne fut plus tout à fait le même, et dut apprendre à vivre avec la peur.
Les vestiges de l'école sont conservés dans une petite boîte au
musée des sciences. C'est l'ancien professeur de chimie de Meuch qui témoigne,
dans sa chaise roulante, de cette journée où son ?%§!&ç%+?;§I! d'élève
mélangea, pour faire joli, les contenus d'une fiole rouge et d'une petite
éprouvette bleue.
D'autres qui ne sont pas prêts d'oublier, ce sont les voisins
qui ne virent pas s'échapper un nuage apparemment anodin des gravats noirâtres
de ce qui était, cinq minutes plus tôt, un laboratoire. Ce n'est que lorsque
leurs vêtements commencèrent à se désintégrer qu'ils s'aperçurent que leur peau
virait au vert écaillé.
Cet épisode mit définitivement fin aux études de
Meuch.
Quelques semaines plus tard, quand tout fut calmé, elle sortit de l'arbre où
elle se cachait, et entra dans la vie active.
05 – La mèche à
Meuch (Par P.
RUQUE)
Son coiffeur habituel, chez qui elle allait 6 fois par an -
lorsque la lune était là – pour rafraîchir sa coupe cherchait une aide. Meuch
lui proposa un coup de mains.
Vite lassée de ranger les flacons, de balayer les cheveux
défunts et de préparer les shampooings elle décida de se passionner pour les
coupes de cheveux. On la vit donc avec les cheveux longs, puis courts, blonde
puis brune, mais cela ne lui convenait toujours pas…
Un jour elle s’amusa à inventer des cocktails de produits
capillaires. C’est ainsi qu’elle trouva la recette d’un gel coiffant
extraordinaire. Il permettait de donner à la chevelure la forme que l’on
désirait mais aussi de colorer. Elle l’expérimenta sur ses cheveux afin
d’obtenir une houppette digne des plus grands créateurs.
Une nouvelle mode était née.
Seul petit défaut, au bout de quelques heures le gel se
solidifiait et prenait la consistance du béton. C’est pourquoi, dix ans après,
la coupe de cheveux de Meuch est toujours la même !
06 – Un écrou à l’endroit, un écrou à
l’envers… (Par A. TONNERRE)
L’un de ses premiers boulots se trouvait dans une
multinationale d’aviation. Faisant preuve une fois de plus d’ingéniosité elle
déposa un brevet pour un mécanisme de fixation des réacteurs qui diminuait par
deux le temps de montage.
Ce n’est que six mois plus tard que l’on devait s’apercevoir
que les deux cents avions qui en avait profité ne voleraient jamais qu’en marche
arrière.
De ces autres postes précédents, on sait seulement qu’elle les
quitta précipitamment, le plus souvent poursuivie par un chef de service rouge
de colère brandissant sa dernière trouvaille, assortie de menaces quant à son
utilisation dans des sévices corporels que la décence nous interdit de rapporter
ici.
07 – Frissons garantis …
(Par Haplui DE CHERBOUR)
Après l’épisode des hélices nous la retrouvons dans un poste de
chauffagiste assistante. Ses dons de bricoleuse firent merveille. En moins d’un
mois, elle avait installé un conditionnement d’air bien plus performant que
celui qui rafraîchissait l’entreprise avant son arrivée.
Tellement performant que deux heures plus tard, un client
hilare appelait les pompiers, en mélangeant hoquets de rire et explications où
l’on devinait que quelqu’un avait jeté un froid et qu’il fallait rompre la
glace.
Ils durent appeler au secours des savants en cryogénisation,
qui découvrirent tous les employés congelés dans leur attitude de travail. C’est
ainsi que l’on s’aperçut que Monsieur le directeur Général et sa secrétaire, se
connaissaient plus intimement que leurs relations de travail permettaient de le
supposer.
C’est sans attendre que l’épidémie de grippe soit enrayée et
que la température de Monsieur le Directeur Général tombe en dessous de quarante
degrés que Meuch quitta cette société, au grand soulagement d’ailleurs, de tous
ses collègues de travail.
Depuis cette date le taux d’absentéisme et retombé sous les
soixante quinze pour-cent, mais les cinq employés qui travaillait avec Meuch
pendant cette période, continuent à rendre visite à leur psychologue entre trois
et cinq fois par semaine.
08 – Youkaïdi, Chloé : aillaillaïe
…
Dès sa prime enfance, la jeune Meuch témoigna d’une imagination
sans pareille pour éluder l’activité et se trouver des coins de repos. Cela ne
plaisait pas à son père, et c’est pour réveiller des instincts émoussés et faire
couler en elle le sang vigoureux qui avait été l’honneur de ses ancêtres, qu’il
prit la décision de lui faire faire un stage en entreprise et plus
particulièrement dans une usine pétrochimique.
Hélas ce brave homme ne pouvait pas prévoir qu’il ne faisait
pas réellement le bon choix car sa fille venait d’être embauchée dans le domaine
de la physique …
Sa fébrilité dépassant celle de tous ses petits collègues de
travail, elle fut envoyée au fin fond de l’usine et durant les six premiers mois
de sa présence on ignore ce qu’elle fit. Aucunes archives, ni aucuns témoins
n’ayant apporté la preuve de son implication dans les nombreux déclenchements
d’unités qui ont eu lieu durant ce laps de temps le bénéfice du doute lui fut
accordé.
09 – Sports divers
Le 16 janvier 1999 : cette date restera certainement gravé
dans les anales du Ski Club de Naphtachimie où Meuch s’était inscrite quelques
semaines plus tôt. En effet ce week-end de ski à la station d’Allos aurait du
être identique aux dizaines d’autres des années précédentes.
C’était sans compter sur la présence de Meuch et de ses
extravagantes envies culinaires. Nous ne reviendrons pas sur les repas du midi
qu’elle effectua sous la table du restaurant prétextant qu’elle préférait manger
un plat qu’elle s’était préparé : un suprême de harengs sur son lit de
bananes au chocolat frites à l’huile d’olives.
C’est quand, au milieu du souper, après un apéritif un peu
chargé, il lui prit l’envie de manger des noix que tout commença. Le patron de
l’hôtel, pas très frais lui non plus, vint s’impliquer dans l’histoire, cassa
quelques noix avec son front et voulu faire danser Meuch. Devant son refus, le
brave homme devint tout rouge, émit de nombreux bruits de bouche où l’on crut
reconnaître, entre les postillons, que ce n’était plus ce que c’était. Il ânonna
quelque chose d’incompréhensible au sujet du fait qu’il faudrait mettre dehors
tous ces futurs zazous et s’en alla.
Lorsque à l’horizon, les derniers échos de sa colère se furent
éteints, le repas continua et l’on se jura de ne plus jamais laisser parler
Meuch à table.
Malheureusement pour nous la soirée n’était pas terminée, c’est
toujours sous l’emprise de boissons alcoolisées qu’elle nous fit un exercice de
style en jouant au billard. Exercice hélas pas accepté par son adversaire, un
superbe bébé anglais d’un mètre quatre vingt dix et d’un bon quintal, sans aucun
humour apparemment. Il nous fallut faire preuve d’une grande diplomatie pour
éviter un carnage.
Il fut décidé lors d’une réunion extraordinaire de ne plus
faire de sortie ski le 16 janvier.
Des autres sorties ski quelle effectua, on retiendra les
nombreux pièges qu’elle s’évertua régulièrement à mettre au point, afin de faire
chuter ses petits camarades. Comme par exemple le jour ou elle répandit des œufs
et des tomates sur la piste.
10 – Kata strophe !
Son éternelle soif … de découverte et son attirance pour les
expériences physico-chimiques l’amenèrent un soir de pleine lune à goutter un
savant mélange à base de rhum et de sucre, nommé par les initiés le Chihuahua.
Ce fut pour elle une grande révélation, mais pour ses collègues une grave
erreur. Depuis cette triste soirée, dans la colline, sur la plage, au camping,
dès qu’une occasion se présente, elle trempe ses lèvres dans le bol de potion,
avec hélas bien souvent quelques excès.
Les coucous toutes les cinq secondes au phare de planier ou les
tentatives pour faire du VTT sans roue étant là pour rappeler que l’abus
d’alcool est dangereux également pour les Meuch.
11 – On ne rit pas de ces choses
là !
Illuminé d’une subite inspiration, elle découvrit un jour le
royaume scintillant du sport ! O merveille, elle décida, fiévreuse, de se
consacrer désormais, au service de l’humanité. Elle pratiquera le badminton, le
VTT, le volley-ball, le roller …Ce fut la naissance d’une vocation.
Hélas Meuch a ses raisons que la raison ignore. C’est ainsi
qu’après une baignade mouvementée, nous l’avons vu revenir avec une escouade et
du sparadrap un peu partout, spécialement à l’endroit ou aurait du se trouver
son nez !
Continuant sur son élan elle attaqua d’un pied exaspéré (et
d’un genou un peu cagneux) les sentiers exaltants des activités sportives.
Malheureusement ce qui devait arriver arriva et c’est sur incident mécanique
(manque de calcium ou excès de Chihuahua ?) qu’elle fut obliger d’arrêter
ces activités intenses.
Vous apprécierez, je n’en doute pas, la discrétion qui
m’interdit d’ajouter le moindre commentaire à une situation dont je n’ose
revendiquer la prémonition … je ne dirai donc pas qu’elle l’avait cherché …
Aujourd’hui Meuch remonte subrepticement la pente chaotique et
savonneuse d’un rétablissement moralement et physiquement acrobatique.
12 – Achtung !
Après avoir répété plusieurs fois « errare humanum
est » et « ce n’est pas ma faute » elle déclama un jour :
Écoutez-moi bien, je ne suis pas rancunière, mais si ça
continue, je ne vous parle plus !
Cette citation agrémentée d’un geste de la main sans équivoque
ne fut pas prise très au sérieux par l’ensemble de ses collègues. Car comme tout
le monde le sait, une Meuch qui ne parle pas c’est comme un apéro sans
Ricard : ça n’existe pas !
13 – The end
Malheureusement le temps passe inéluctablement et le vendredi 3
décembre 1999 (le siècle dernier !) la sinistre nouvelle tombe : Meuch
nous quitte …
C’est avec une profonde tristesse et un grand désespoir que
nous sommes obligés de constater aujourd’hui qu’elle nous manque déjà.
Espérons qu’elle ne nous oubliera pas…la presse et les médias
étant là pour nous tenir toujours informés de ses futures péripéties.
By RB001 1999/2000
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